| Le pilote commandant de bord Trévoux était un petit bonhomme rond et bien portant. D'apparence sympathique et aimable, il ne manquait jamais une occasion de plaisanter avec quelques traits d'humour qui n'avaient pourtant jamais la portée escomptée. On peut dire sans se tromper que le commandant Trévoux était une personne aussi insipide qu'inintéressante.
Ce fut le 14 avril 2012 que notre cher ami décida, pour son grand malheur, de faire un vol à bord de son hélicoptère bordeaux-gris.
Il avait placé sous les sièges quelques centaines d'exemplaires de son nouveau pamphlet de propagande de sa compagnie. |
Ce fut au moment de la mise en route que les premiers symptômes se manifestèrent. L'Hypoxie fut la première à apparaître; on se demandera plus tard comment un manque d'oxygène aussi faible avait pu atteindre un cerveau aussi creux ! Les plus grands spécialistes mondiaux ne sont toujours pas tombés d'accord sur les pourquoi du comment de l'atteinte du néant par le vide...
Ce fut l'Euphorie qui remplaça rapidement l'hypoxie, beaucoup plus forte que cette dernière. S'en suivirent, dans un ordre bien particulier et à des degrés de gravité croissants des Lymphangites aigües, des Irritations du rectum, des Tremblements incontrôlables, une Respiration très difficile, des Evanouissements brefs, une Mauvaise oxygénation du cortex cérébral chargé du respect, des Bâillements intenses, des Lymphomes hémorroïdaux purulents, une Allergie soudaine et marquée à l'humilité et à l'empathie, une Neutralisation totale des messages nerveux et enfin une Toux grasse avec régurgitation de morceaux de connerie.
Pendant toute son agonie, Trévoux continua de raisonner de ses pensées misogynes et humiliantes, comme une lutte du bien contre le mal qui l'anéantissait.
Mais rien n'y fit, et l'euphorie, qui reprenait le dessus, lui ordonna de décoller et de faire fi de l'arbre majestueux qui observait la scène. Lors du choc, celui-ci ne sourcilla guère puisque la raison du plus fort est toujours la meilleure et notre pauvre petit commandant se retrouva le cul par terre.
Un médecin assermenté de Transport Canada qui se trouvait miraculeusement sur place et qui avait assisté à toute la scène ne tarda pas à prendre les choses en main. Il examina attentivement notre petit bonhomme et s'empressa de rassurer les badauds. Il leur affirma que le mal dont souffrait l'homme à terre n'était absolument pas contagieux et prouva ses dires en brandissant de pleine main des pamphlets de propagande de la compagnie. Lorsqu'il posa la source du mal proche de Trévoux, celui-ci se mit immédiatement à gigoter comme un asticot et fut victime de vomissements répugnants et notre médecin vit cela comme une relation de cause à effet. On brûla tous les pamphlets de propagande qu'on avait pu rassembler et cela apaisa un peu notre malade. Mais le mal était profond et le danger subsistait toujours. L'homme de science demanda à ce qu'on lui apporte au plus vite un dictionnaire de la langue française ainsi qu'un CFS.
Il en fit bon usage en imprégnant les définitions de respect et d'humilité dans du cidre de glace et en les faisant avaler à notre homme, qui inspirait maintenant la pitié, pour remettre en marche son cœur arrêté. C'est en pensant ses blessures avec les pages du CFS dont la date n'était pas dépassée que le médecin acheva son labeur. Il vit le commandant de bord Trévoux reprendre des couleurs et aperçu avec dégout la vraie nature du Monsieur reprendre le dessus. Il réalisa alors que le mal dont il souffrait était bien plus profond qu'il n'avait pu l'imaginer et qu'aucun remède à base de bon sens ne pouvait en venir à bout.
L'homme était perdu aux yeux des honnêtes gens. |